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L’Aréopage de Recherches Sources publie son n° 9 autour du 18e degré

L’Aréopage de Recherches Sources du Grand Collège des Rites Écossais publie son n° 9 autour du 18e degré, à l’occasion de son 40e  anniversaire. La présentation de ce numéro qui fera date dans l’histoire des publications de Sources est naturellement assurée par son Grand Maître, Jean Henry Passini.

Dans les pages qui suivent cette préface, constatons simplement qu’il s’agit d’un ouvrage collectif auquel ont collaboré douze membres de l’Aréopage que je remercie ici profondément de leur contribution, mais je laisserai aux herméneutes numérologiques, le soin de méditer sur ce nombre de douze dont la signification symbolique leur est connue, tout particulièrement au grade de Chevalier Rose-Croix.

En 1977, le Grand Commandeur Ernest-Ferdinand Chabanne a eu cette intuition féconde de mobiliser les membres du Grand Collège des Rites capables et désireux de constituer une académie maçonnique, au grade de Chevalier Kadosh, sous le titre distinctif de Sources dont la signification se passe de commentaires. Le modèle a été largement imité depuis, mais à notre connaissance, Sources demeure le seul Aréopage de Recherches au monde réunissant des membres qui ont doublement fait leurs preuves sur le plan scientifique puisque la plupart sont des universitaires de haut niveau, et sur le plan maçonnique, puisqu’ils sont tous porteurs du grade de Chevalier Kadosh, le nec plus ultra de notre Ordre.

La production intellectuelle spécifique de Sources se traduit par l’édition régulière de numéros qui marquent autant d’étapes de la vie humaine et intellectuelle de cet Aréopage. La commission des publications a rendu, à nouveau accessible, la collection complète des huit numéros précédents qui témoignent de l’activité soutenue de ses membres dont un certain nombre font une œuvre personnelle qui se traduit par l’édition d’ouvrages de référence en maçonnologie.
Aux trois commissions initiales, énumérées dans la présentation qui suit, se sont ajoutées depuis 2016, deux autres commissions : d’une part La Loi, la Règle et le Droit et d’autre part Arts et Lettres qui ont permis de procéder à une cooptation diversifiée des membres de Sources en y associant des membres d’autres Juridictions humanistes. Les prochains numéros de Sources rendront compte des travaux initiés au cours de cette année élargissant ainsi le champ de la réflexion de notre maçonnerie écossaise.

La Maçonnerie des Hauts-Grades Écossais pratiquée au xxie siècle résulte d’une histoire complexe comme celles de toutes les institutions humaines qui traversent les siècles, chaque génération ajoutant son propre regard sur ses origines à celui des générations qui l’ont précédée, et substituant aux interprétations antérieures ses propres interprétations entrelacées. Ce numéro 9 de Sources est l’un de ces regards des maçons de notre époque sur un degré qui interpelle d’autant plus une société qu’elle est laïcisée, ce qui nécessite de le contextualiser.

En 2017, le Grand Collège des Rites Écossais administre les deux rites écossais de Hauts-Grades pratiqués au Grand Orient de France dont l’origine remonte à 1764, pour le Rite Écossais d’Heredom, et à 1804, pour le Rite Écossais Ancien Accepté. Le 18e degré a la particularité d’être l’un des grades communs aux deux systèmes. Et si un certain nombre de Haut-Grades ont été surajoutés au système initial en 25 degrés, ou déplacés comme le 24e degré (Chevalier Kadosh) devenant 30e  dans le second, ou encore le 25e (Prince du Royal Secret) 32e. Seul le 18e grade sa spécificité, son numéro et sa dénomination dans les deux Rites. Le Rite Écossais d’Heredom qu’Étienne Morin dénommait «Ordre du Royal Secret » fût le terme générique du Rite de Perfection, pratiqué au Grand Orient de France depuis 1804. Les noms attribués à ce 18e degré, par les manuscrits Francken, étaient :

  • Chevalier Rose Croix,
  • Chevalier de l’Aigle blanc,
  • Chevalier du Pélican,
  • Ou encore Parfait Maçon,



Et le plus ancien de ce degré était « Chevalier de l’Aigle » en ce que l’Aigle était considéré comme symbolisant le Grand Architecte de l’Univers.
Ces noms renvoient explicitement à la mystique christique, mais non exclusivement, car la filiation de ce grade doublement totémisé renvoie à des sources archaïques pré scripturaires très largement antérieures à la rédaction de la Bible, qu’elle soit vétéro ou néotestamentaire.

Le Rite Écossais Ancien Accepté en 33 degrés, qui a intégré huit grades surajoutés au rite précédent, en conservant à sa place initiale le grade de 18e degré, s’est construit sur ce qu’on peut considérer aujourd‘hui comme une triple séquence initiatique « apprenti-compagnon-maître » (A-C-M).

  • La séquence initiale des trois premiers degrés est devenue l’apanage des obédiences dans la majorité des institutions maçonniques humanistes.
  • Les degrés du 4e au 33e y sont administrés par les Juridictions Écossaises. Nombre de tentatives de systématisation numérique ou thématique ont été avancées mais pour en rester à une analyse systémique simple, ces trente degrés peuvent se répartir en deux séquences initiatiques « apprenti-compagnon-maître » (A-C-M).
    1. Du 4e au 30e degré : « l’apprentissage » est représenté par les grades du 4e au 14e degré, « le compagnonnage » par les grades du 15e au 18e degré et la maîtrise du 19e au 30e degré.
    2. Du 31e au 33e degré : les grades blancs sont « apprentis » au 31e, « compagnons » au 32e et maîtres au 33e degré, ces derniers forment le Conseil Suprême et certains d’entre eux sont membres du Suprême Conseil qui constitue une ultime séquence initiatique.

Et dans cette perspective, le 18e degré peut être envisagé comme un grade d’essence « compagnonnique » tant par son positionnement que par son symbolisme. Il faut retenir du grade de compagnon qu’il était aux origines le grade terminal de la maçonnerie symbolique. Ce n’est qu’au début du xviiie que le grade de maître s’est surajouté à ceux d’apprenti et de compagnon. Mais il convient aussi de considérer que, dans certains systèmes de Hauts-Grades, antérieurs aux deux Rites cités ci-dessus, le 18e degré était aussi un grade terminal, le porteur de ce grade étant alors qualifié de Souverain Prince Rose-Croix. Il conviendrait que ce passage de grade terminal d’un système à celui de grade central d’une séquence initiatique intégrée soit étudié, et qu’au-delà de la description historique de ce glissement, des travaux de recherches transdisciplinaires nous éclairent sur le sens de ce glissement.
Au-delà de ce positionnement initial et de ce glissement ultérieur, plusieurs analogies du 18e degré sont en phase avec les grades compagnonniques des Enfants de Maître Jacques et de Soubise doivent être soulignées. Ainsi la légende de Maître Jacques peut être assimilée à une transposition de la passion du Christ et, l’utilisation, dans certains rituels compagnonniques, de la rose de Jéricho, autrement nommée plante de la résurrection, rejoint celle qui en est faite par des sectes gnostiques, pour symboliser la résurrection du Christ.

Et c’est ainsi qu’au 2e degré, le grade de compagnon réunit ceux qui, sans crainte, peuvent partager ensemble le pain et donc, sur le plan anthropologique, ceux qui ne s’affronteront plus pour s’emparer des ressources d’un même territoire.
Cela permettra à leur groupe de survivre plus longtemps et de se reproduire plus nombreux dans les meilleures conditions. Et, au 18e degré, la pratique de la Cène dans un cénacle devenu le lieu où mangent ensemble ceux qui sont élus pour ce faire, est une ritualisation du partage du pain. Cette ritualisation permet de passer d’un partage circonstanciel matériel à un partage pérennisé de par sa sacralisation. Elle traduit ainsi la sublimation spirituelle du grade de compagnon. Il ne s’agit plus là de partager les ressources qu’avec ceux qui nous sont proches, mais de les partager avec tous ceux qui ont faim. Il ne s’agit plus là de n’être en paix qu’avec les tribus proches, mais avec toutes les cultures que toutes les tribus, de la plus proche à la plus lointaine, ont produites.
La Cène n’est pas réservée qu’aux seuls 12 élus mais concerne aussi tous les hommes qu’ils représentent quelles que soit leurs origines. La Cène n’est pas que le lieu de la consommation. La Cène est le lieu géométrique de résolution de la crise sociale, écologique et spirituelle que traversent toutes les sociétés. Elle est au cœur même de l’universalisme de l’Écossisme régi par la Caritas et par l’Amour universel qui conduit au bonheur d’être Chevalier Rose-Croix. Ce bonheur est éprouvé par celui qui a su recevoir, qui a su donner, qui a su transmettre à la fois ce qu’il a reçu et ce qu’il a produit sur le plan matériel comme sur le plan spirituel.
Les membres de Sources qui ont travaillé dans ce numéro à décrypter les secrets du 18e degré ont répondu au vœu des membres du cénacle de Tübingen qui au début du xviie siècle, ont lancé les manifestes Rose-Croix qui n’ont comme rapport avec le grade de chevalier Rose-Croix que d’appartenir à l’imaginaire occidental féru d’alchimie et d’hermétisme. Mais pour les rédacteurs de ces manifestes, les mots «Roz » et « Croz » sont des mots hébreux, le premier signifiant secret, et le deuxième proclamation. Le travail de décryptage effectué dans ce numéro 9 répond bien à cette proclamation du secret.
La simple lecture des textes qui constituent et ouvrage collectif, ne suffira pas au lecteur pour être chevalier Rose-Croix, mais permettra au Chevalier Rose-Croix d’entrer dans les subtilités du grade, celles qui se situent étymologiquement sous la toile, sous ce que l’écriture a tissé.

Jacques Oréfice, 33e
Très Puissant Souverain Grand Commandeur

 

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